released September 15, 2020
Ca va sembler un rien intello ou que sais-je mais c'est en pensant à Bernard Stiegler - au découragement que m'évoque son suicide alors que ce septembre masqué est déjà largement éprouvant – que je suis
revenu vers Jean-Luc Le Ténia. Une analogie qui pourrait sembler grossière mais ils ne sont pas si nombreux les témoins lucides de leur époque et quand ils se foutent en l'air c'est une sacrée déflagration.
A l'orée des années 2000 alors que je rédigeais un article sur la bande dessinée en Pays de la Loire pour une publication régionale j'avais fouiné et trouvé les fanzines et dessins foutraques de Jean-Luc Le Ténia,
acteur isolé d'une underground sarthoise plus que confidentielle. Et dans la foulée sa musique, en cassettes et cd, via notamment Ignatus et son label: Le Meilleur Chanteur Français du Monde s'invitait sur
les ondes nantaises, côtoyait son corres' américain Daniel Johnston et nous avions tous des problèmes sentimentaux, nous étions tous contre le cannabis...
Du temps passe, je fais le lien avec d'autres artistes, Tony Papin surtout, le fanzine Scotch & Penicillin et la scène rennaise, des fils se tendent.
Et puis un soir de concerts au festival Periscopages à Rennes en mai 2011, Mathieu du label InMyBed et guitariste du groupe Formica annonce que "ce concert est dédié à Jean-Luc Le Ténia, le meilleur chanteur
français du monde vient de se foutre en l'air"... Un choc. Je ne rencontrerai jamais Jean-Luc Le Ténia.
Une décennie plus tard Jean-Luc est revenu régulièrement faire coucou, par la porte, par la fenêtre, au hasard de rencontres et promenades. Dans un disque de Bruit Noir, dans les Mausolée Tape, en recroisant Ignatus, à la mort de Daniel Johnston, dans un article de Libé cet été...
Vendredi 04 septembre 2020 j'écoute le cd Le Meilleur Chanteur Français du Monde et je me dis "tiens, je pourrais faire une reprise, comme ça pour voir". L'Aspirateur me fait penser à Ocean du Velvet Underground et j'envisage une version étirée électrique façon 69 Live mais c'est trop de travail et je n'ai pas le temps. Car entre temps c'est finalement deux puis trois puis sept morceaux qui s'enregistrent super vite en une prise avec une guitare inaccordable, le temps de copier les paroles et de chercher les accords et zou! (avant de me rendre compte après coup que tout ou presque est consigné sur son site
teniadiary.fr tenu brillament par Tony Papin).
Ses chansons puissantes, classiques, imparables, ont été pour moi un baume jouisif à m'appliquer, j'y reviendrai volontiers. C'est quand ils sont vivants qu'il faut aimer les gens disait-il mais en période troublée c'est stimulant de reprendre un suicidé. (Suicide is painless).