STRN-339

Ne cherchez pas à enfermer David Lafore dans une case : aucune n’est assez vaste pour résumer l’univers de cet agité du bocal qui depuis plus de dix ans taille sa route en espadrilles à l’écart des sentiers battus. Et qui parvient à nouveau à créer la surprise avec un album détonnant et sensible, enregistré avec la complicité de Christophe Van Huffel (Tanger, Alan Vega, Christophe...) et sur lequel il s’initie à l’autotune et au canapé.
Pour ceux qui n’auraient pas suivi (majoritaires à cette heure, ne culpabilisez pas), résumé des épisodes précédents : David Lafore, c’est ce poète qui célèbre aussi bien le coton blanc des culottes, les fleurs séchées, le thym... que le cunnilingus.
C’est cet esthète qui, sur la pochette de ses disques, choisit soit de poser de dos, soit coiffé comme un Playmobil, soit caricaturé en quelques traits approximatifs. C’est aussi ce stakhanoviste du one-man-show (entre 120 à 150 concerts par an, excusez du peu) qui, chaque soir, met le feu à l’aide d’une chaise, d’une guitare acoustique et d’une carafe d’eau.
Un mois avant le début du confinement David Lafore a eu l’occasion d’être initié à un logiciel pour la composition, la production intuitive et le mixage en direct : Ableton Live. Autant de nouvelles possibilités qu’il a immédiatement pu mettre en œuvre dans la composition de son nouvel album. A la réalisation, il a fait appel à Christophe Van Huffel, avec qui il partage aussi bien le goût de la chanson que du bizarre.
"La tête contre le mur " est certainement l’album de David Lafore le plus abouti musicalement parlant, puisque le logiciel a décuplé la créativité de l’auteur. L’ordinateur au service de l’homme : l’inverse du "Man Machine" prophétisé par Kraftwerk il y a 40 ans. On y entend aussi bien des plages synthétiques, des sons échantillonnés que des rythmes programmés. On y reconnaît un emprunt au rap Cote Ouest ainsi qu’un hommage à la pop suédoise.
"La tête contre le mur" parait moins de deux ans après son prédécesseur, "Incompréhensible". Et au moment où l’actualité culturelle se résume à celle des festivals : au beau milieu de l’été. Le fait de s’auto-produire permet à David Lafore de s’affranchir de toute stratégie. "Le disque était prêt, pourquoi attendre deux mois et tomber dans l’embouteillage de la rentrée ?". C’est l’œuvre d’un affranchi qui, album après album, concert après concert, trace un sillon en profondeur. Sur le titre qui clôture l’album, il affirme : "Viens voir le méridien d’Greenwich / il passe juste au milieu d’chez moi".
Heureux ceux qui vivent à l’heure Lafore.

Emmanuel Plane